Tournée de Kémi Séba en Haïti dans un contexte fragile.
Du 26 mai au 3 juin 2025, dans la ville de Cap-Haïtien, l’activiste franco-béninois Kémi Séba a mené une tournée qui n’est pas passée inaperçue. Avec plusieurs interventions publiques dans le nord d’Haïti, il a une fois de plus attiré l’attention sur son combat panafricaniste, un combat qui divise autant qu’il rassemble.
Kémi Séba, né à Strasbourg le 9 décembre 1981 sous le nom de Stellio Gilles Robert Capo Chichi, a d’abord fait parler de lui en France. Il s’est fait remarquer par ses prises de positions souvent radicales. En 2004, il a fondé le mouvement Tribu Ka, accusé de promouvoir la suprématie noire. Ce mouvement allait être dissous deux ans plus tard pour incitation à la haine raciale. Il a aussi été condamné à plusieurs reprises pour des actes jugés antisémites.
Mais la trajectoire de Kémi Séba ne s’arrête pas là. Depuis 2011, installé au Sénégal puis au Bénin, il a choisi une voie différente, plus tournée vers l’Afrique et ses défis. En 2015, il a créé l’ONG Urgences panafricanistes, connue pour sa lutte contre le franc CFA et le néocolonialisme. Par ses actions symboliques, comme brûler un billet de 5 000 francs CFA en manifestation, il parle à une jeunesse francophone qui cherche son identité et rêve de liberté.
Pourtant, son parcours reste controversé. Certains l’accusent d’avoir reçu près de 400 000 dollars du groupe Wagner, bras armé russe en Afrique, et de servir la propagande du Kremlin. En 2024, la France lui ôta de sa nationalité, considérant ses propos hostiles. Peu après, il est nommé conseiller spécial par le régime militaire nigérien, qui lui donne aussi un passeport diplomatique. La même année, il est brièvement arrêté en France, soupçonné d’intelligence avec une puissance étrangère, mais relâché sans poursuites.
C’est dans ce contexte tendu qu’il arrive pour sa troisième visite en Haïti, cette fois dans le Nord. Le 29 mai, il tient une conférence de presse à l’Hostellerie du Roi Christophe, organisée par le groupe féministe ZAFAK. Le lendemain, il intervient à la Faculté de Droit, d’Économie et de Gestion, aux côtés du doyen Me Jusnerd Nelson.
Le point fort de son séjour se déroule le 2 juin, à l’Université d’État d’Haïti, campus de Limonade. Là, devant un large public, il évoque Haïti comme *« la Mecque de la révolution noire »* ,un symbole fort qui rappelle le rôle historique du pays. Il appelle à l’unité africaine, à la souveraineté noire, et lance un message inattendu : il invite les gangs haïtiens à déposer les armes, à se mobiliser pour combattre l’ingérence occidentale, et à construire ensemble un avenir souverain. Plusieurs chefs de gangs auraient montré un intérêt pour cette proposition, ce qui ajoute une couche de complexité au paysage local.
Ce voyage s’est déroulé alors qu’Haïti traverse une crise politique profonde et une insécurité grandissante. Choisir Cap-Haïtien, une ville plus calme que d’autres, était sans doute une décision stratégique pour permettre un dialogue sans incidents.
Pour beaucoup, Kémi Séba incarne une voix courageuse, un militant engagé contre l’impérialisme, un porteur d’espoir pour la renaissance africaine. Pour d’autres, il reste une figure controversée, radicale, qui pourrait fragiliser encore plus un pays déjà vulnérable.
Quoi qu’il en soit, sa visite a relancé des débats passionnés, rappelant que les questions de souveraineté, d’identité et d’influence étrangère restent au cœur des préoccupations d’Haïti et de l’Afrique.
Jimmy Guerrier.
Commentaires
Enregistrer un commentaire